La révolution de velours triomphe en Arménie

Ascension spectaculaire. Il n’aura pas fallu un mois au député Nikol Pachinian pour avoir raison de Serge Sarkissian, le « Poutine » arménien devenu premier ministre après dix ans à la tête de l’État. En tee-shirt et casquette, l’ancien journaliste s’est imposé depuis mi-avril à la tête de la « révolution de velours » qui a acculé à la démission Serge Sarkissian le 23 avril.

Armenian-velvet-revolution-2018Mardi 8 mai, il a officiellement pris sa place. Les députés l’ont prestement élu, avec 59 voix contre 42, chef du gouvernement. Huit jours auparavant, les mêmes députés avaient rejeté sa candidature au bout de neuf heures de débats houleux.

Pour cette session parlementaire extraordinaire, Nikol Pachinian s’est présenté en costume cravate dans son nouvel habit de dirigeant qu’il était sûr de devenir, après que le Parti républicain, majoritaire, a déclaré forfait devant la liesse populaire jeudi dernier et accepté de le soutenir finalement, après avoir fait front contre lui.

velvet-revolution-armenia-2018La députée de la coalition de l’opposition Yelk (« alliance pour le départ ») Lena Nazaryan a souligné dans l’hémicycle la « renaissance »arménienne sous la houlette de son porte-voix et « le mouvement populaire qui a imposé le changement avec sourire, joie et danses », rapporte le quotidien arménien Asbarez, basé aux États-Unis.

Une foule exultant, brandissant des ballons bleus, rouges et oranges, aux couleurs de l’Arménie, a hier d’emblée convergé vers la place de la République devant le Parlement à Erevan.

pashinyan-sargsyan-meetingSi personne n’avait imaginé qu’il embraserait pacifiquement l’Arménie, Nikol Pachinian, 42 ans, père de quatre enfants, n’est pas tout à fait un nouveau venu en politique. Il aiguise d’abord ses armes d’opposant au pouvoir en place comme journaliste, rédacteur en chef du quotidien Aïkakan Jamanak (« Le Temps arménien »).

En 2008, il fait déjà partie de la contestation contre la victoire de Serge Sarkissian à l’élection présidentielle, puis rentre en clandestinité après les émeutes qui coûtèrent la vie à dix personnes. Il se rend finalement à la police en 2009, est condamné à sept ans de prison en 2010 puis amnistié en 2011.

Nikol-PashinyanÉlu député en 2012, c’est depuis l’hémicycle qu’il utilise alors ses talents d’orateur pour combattre le pouvoir du président Sarkissian dont il n’a eu cessé de réclamer la démission. L’annonce de l’élection de ce dernier comme premier ministre – avec transfert des pouvoirs présidentiels au chef de gouvernement –, mi-avril, met le feu aux poudres.

Nikol Pachinian sillonne alors villes et villages de ce pays du Caucase de 30 000 km2pour promettre « la victoire du peuple ».

Son programme politique reste largement à écrire. Ce qu’il s’est engagé à faire dans les semaines à venir.

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En attendant, il a fait de la lutte contre la corruption et de la tenue d’élections législatives anticipées « libres, justes et incontestées » ses priorités. Il entend s’appuyer sur la diaspora pour faire progresser l’Arménie, défendre les droits des femmes et promouvoir leur participation au gouvernement.

Sur la scène internationale, il garantit une continuité. L’Arménie, ancienne république soviétique, devrait garder des liens privilégiés avec la Russie – qui a une base militaire dans le pays – et rester dans l’union douanière avec la Russie, le Kazakhstan et la Biélorussie. Le président russe Vladimir Poutine a été le premier à le féliciter pour son élection.

Marie Verdier